L'histoire de Sylvain qui était frustré
(ou la réelle solitude du nourrisson)
Parler fait du bien…
Pour tout le monde (ou presque), parler fait du bien, mais avoir le sentiment d’être écouté et surtout bien compris est encore plus satisfaisant. Lorsque nous vivons une situation stressante, nous trouvons profondément réconfortant d'être le centre d'une attention vraie.
Nous sommes tous d’accord avec ce fait, mais ce que l’on sait moins, c’est que le nouveau-né a lui aussi besoin de ce genre d’écoute. Malgré tout l’amour et la bonne volonté des parents, débuter sa vie comporte une certaine dose de stress et, tous les jours, dans mon bureau, je constate que le tout-petit éprouve un réel bonheur à le partager avec ses proches.
Trop de solitude…
À la lumière des témoignages des bébés (tant avant qu’après leur naissance) que j’aide à prendre la parole auprès de leurs parents, je ne peux que constater que le sentiment de solitude de l’être qui se tient sur le seuil de sa nouvelle vie est bien trop souvent présent. Et méconnu.
Ce que j’entends de la part de la Sagesse du nourrisson confirme les dernières découvertes de certains néonatalogistes : « Une donnée que l'on a retrouvée c'est un immense sentiment de solitude chez les bébés qui viennent de naître. Le simple fait de savoir ce qu'il vit est déjà un accompagnement ».2 Donner l’opportunité au poupon de partager, avec ses proches, son inconfort (qu’il s’agisse d’un défi, d’une inquiétude, d’une douleur physique ou toute autre chose) lui fait du bien. De plus, en prenant la parole, l'enfant préverbal peut nous faire comprendre qui il est vraiment, ce qu'il est en train de traverser, ce qui l'a bouleversé, les émotions ou les incompréhensions qu'il a gardées de sa gestation et de sa naissance, les formes-pensées et les situations inachevées qu’il a apportées dans ses bagages, comment il se sent aujourd‘hui, et surtout comment l’aider concrètement à faire le prochain pas vers plus de joie.
Imaginez....
Pendant deux minutes, essayez de penser le monde sans les mots. Imaginez et ressentez l’état de dépendance totale dans lequel le bébé se trouve et les sentiments que cela peut susciter en lui. Visualisez-vous dans la situation suivante : vous êtes incapable de vous déplacer, allongé sur votre lit. Vous ne pouvez remuer que bras et jambes, pleurer et crier, tout en ayant la conscience aiguë de qui vous êtes et de ce que vous voulez profondément. Imaginez ce que cela peut être de percevoir que les autres pensent qu'en vous, hormis les besoins de base physique, il n'y a rien : pas d'émotions, pas de pensées, pas de conscience. Ne vous sentez-vous pas seul même si vous êtes bien entourée?
Sylvain un bébé frustré…
Des adultes expérimentent cette situation par une maladie qui les fait se sentir « emmurés vivants »3. Ils sont cloîtrés dans un lit, ne pouvant remuer que le bout du doigt ou cligner d’un œil, mais malgré leur immobilité, ils sont totalement conscients même si aucun signe ne le laisse présager de l’extérieur! Malheureusement, quelques-uns demandent à mourir, et devant leurs souffrances tant physiques que mentales, un proche ou un soignant les aide discrètement à abréger leurs jours. Heureusement, très rares sont les nourrissons désespérés de leur situation. Le vécu d'un adulte malade et celui d'un bébé est différent, mais tous deux ont autant besoin de compréhension, de compassion consciente et de notre regard lucide.
Depuis que je donne la parole au bébé, j’ai reçu la visite de plusieurs nourrissons qui nous ont dit se sentir aussi impuissants et frustrés que ces adultes paralysés emprisonnés dans leur propre corps. Voici l’un d’eux; appelons-le Sylvain… Épuisés, ces parents m’ont amené leur fils alors âgé de trois mois parce qu’il pleurait constamment, jour et nuit, sans répit. Il semblait ne supporter aucune frustration, si petite soit-elle. La consultation a pu donner l’opportunité à Sylvain d’exprimer à ses parents son état d’âme et son besoin à combler.
La parole au bébé…
Après lui avoir donné la parole grâce à a P.A.B.® (la Parole Au Bébé), méthode que j’ai mise au point en m’inspirant (entre autres) du test musculaire propre à la Kinésiologie Appliquée, ses parents ont mieux compris sa grande solitude, son désarroi d’arriver sur la Terre, son inconfort d’habiter un corps physique, le bouleversement d’être envahi d’intenses émotions, son sentiment d’impuissance et l’intensité de sa vie intérieure. Après s’être exprimé, Sylvain a demandé à ses parents d’essayer de se mettre à sa place. Et cela a fait une grosse différence non seulement pour lui, mais aussi pour ses parents et pour leur relation. Il ne se sentait plus aussi seul. Il s’est senti compris, et son hypersensibilité s’est apaisée rapidement, lui donnant enfin l’occasion de profiter de la vie.
On minimise l’importance de l’écoute consciente et empathique, et pourtant elle peut être tellement efficace! Pour le nouveau-né, accueillir les inconforts et les défis du début de la vie est beaucoup plus facile quand il se sent réellement soutenu consciemment par ceux qui l’aiment. N’oublions pas que, pour lui, la sécurité de base se conjugue avec l’amour et que celui-ci va de pair avec l’empathie qui consiste justement à se mettre dans la peau de l’autre.
J'espère que bientôt, à l'instar de Jean-Dominique Bauby -cet adulte totalement paralysé suite à un accident vasculaire-cérébral- tous les nourrissons pourront reprendre à leur compte cette phrase tirée du livre que M. Bauby a réussi à écrire avec l’aide de son orthophoniste en clignant d’un œil: « tout le monde a compris qu'on pouvait me joindre dans mon scaphandre. »4
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Notes:
1) Boris Cyrulnik, extrait d'une entrevue avec Antoine Spire, Le Monde de l'éducation, Mai 2001.
2) Le Grand Livre de la Tendresse, Hugues Reynes, Albin Michel, 2002.
3) Il s'agit du « Locked-in syndrom » ou « LIS » ou encore « Syndrome d'enfermement ».
4) Le Scaphandre et le Papillon, Jean-Dominique Bauby, Éditions Robert Laffont, 1997. Un film en a été également tiré.
Pour tout le monde (ou presque), parler fait du bien, mais avoir le sentiment d’être écouté et surtout bien compris est encore plus satisfaisant. Lorsque nous vivons une situation stressante, nous trouvons profondément réconfortant d'être le centre d'une attention vraie.
Nous sommes tous d’accord avec ce fait, mais ce que l’on sait moins, c’est que le nouveau-né a lui aussi besoin de ce genre d’écoute. Malgré tout l’amour et la bonne volonté des parents, débuter sa vie comporte une certaine dose de stress et, tous les jours, dans mon bureau, je constate que le tout-petit éprouve un réel bonheur à le partager avec ses proches.
Trop de solitude…
À la lumière des témoignages des bébés (tant avant qu’après leur naissance) que j’aide à prendre la parole auprès de leurs parents, je ne peux que constater que le sentiment de solitude de l’être qui se tient sur le seuil de sa nouvelle vie est bien trop souvent présent. Et méconnu.
Ce que j’entends de la part de la Sagesse du nourrisson confirme les dernières découvertes de certains néonatalogistes : « Une donnée que l'on a retrouvée c'est un immense sentiment de solitude chez les bébés qui viennent de naître. Le simple fait de savoir ce qu'il vit est déjà un accompagnement ».2 Donner l’opportunité au poupon de partager, avec ses proches, son inconfort (qu’il s’agisse d’un défi, d’une inquiétude, d’une douleur physique ou toute autre chose) lui fait du bien. De plus, en prenant la parole, l'enfant préverbal peut nous faire comprendre qui il est vraiment, ce qu'il est en train de traverser, ce qui l'a bouleversé, les émotions ou les incompréhensions qu'il a gardées de sa gestation et de sa naissance, les formes-pensées et les situations inachevées qu’il a apportées dans ses bagages, comment il se sent aujourd‘hui, et surtout comment l’aider concrètement à faire le prochain pas vers plus de joie.
Imaginez....
Pendant deux minutes, essayez de penser le monde sans les mots. Imaginez et ressentez l’état de dépendance totale dans lequel le bébé se trouve et les sentiments que cela peut susciter en lui. Visualisez-vous dans la situation suivante : vous êtes incapable de vous déplacer, allongé sur votre lit. Vous ne pouvez remuer que bras et jambes, pleurer et crier, tout en ayant la conscience aiguë de qui vous êtes et de ce que vous voulez profondément. Imaginez ce que cela peut être de percevoir que les autres pensent qu'en vous, hormis les besoins de base physique, il n'y a rien : pas d'émotions, pas de pensées, pas de conscience. Ne vous sentez-vous pas seul même si vous êtes bien entourée?
Sylvain un bébé frustré…
Des adultes expérimentent cette situation par une maladie qui les fait se sentir « emmurés vivants »3. Ils sont cloîtrés dans un lit, ne pouvant remuer que le bout du doigt ou cligner d’un œil, mais malgré leur immobilité, ils sont totalement conscients même si aucun signe ne le laisse présager de l’extérieur! Malheureusement, quelques-uns demandent à mourir, et devant leurs souffrances tant physiques que mentales, un proche ou un soignant les aide discrètement à abréger leurs jours. Heureusement, très rares sont les nourrissons désespérés de leur situation. Le vécu d'un adulte malade et celui d'un bébé est différent, mais tous deux ont autant besoin de compréhension, de compassion consciente et de notre regard lucide.
Depuis que je donne la parole au bébé, j’ai reçu la visite de plusieurs nourrissons qui nous ont dit se sentir aussi impuissants et frustrés que ces adultes paralysés emprisonnés dans leur propre corps. Voici l’un d’eux; appelons-le Sylvain… Épuisés, ces parents m’ont amené leur fils alors âgé de trois mois parce qu’il pleurait constamment, jour et nuit, sans répit. Il semblait ne supporter aucune frustration, si petite soit-elle. La consultation a pu donner l’opportunité à Sylvain d’exprimer à ses parents son état d’âme et son besoin à combler.
La parole au bébé…
Après lui avoir donné la parole grâce à a P.A.B.® (la Parole Au Bébé), méthode que j’ai mise au point en m’inspirant (entre autres) du test musculaire propre à la Kinésiologie Appliquée, ses parents ont mieux compris sa grande solitude, son désarroi d’arriver sur la Terre, son inconfort d’habiter un corps physique, le bouleversement d’être envahi d’intenses émotions, son sentiment d’impuissance et l’intensité de sa vie intérieure. Après s’être exprimé, Sylvain a demandé à ses parents d’essayer de se mettre à sa place. Et cela a fait une grosse différence non seulement pour lui, mais aussi pour ses parents et pour leur relation. Il ne se sentait plus aussi seul. Il s’est senti compris, et son hypersensibilité s’est apaisée rapidement, lui donnant enfin l’occasion de profiter de la vie.
On minimise l’importance de l’écoute consciente et empathique, et pourtant elle peut être tellement efficace! Pour le nouveau-né, accueillir les inconforts et les défis du début de la vie est beaucoup plus facile quand il se sent réellement soutenu consciemment par ceux qui l’aiment. N’oublions pas que, pour lui, la sécurité de base se conjugue avec l’amour et que celui-ci va de pair avec l’empathie qui consiste justement à se mettre dans la peau de l’autre.
J'espère que bientôt, à l'instar de Jean-Dominique Bauby -cet adulte totalement paralysé suite à un accident vasculaire-cérébral- tous les nourrissons pourront reprendre à leur compte cette phrase tirée du livre que M. Bauby a réussi à écrire avec l’aide de son orthophoniste en clignant d’un œil: « tout le monde a compris qu'on pouvait me joindre dans mon scaphandre. »4
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Notes:
1) Boris Cyrulnik, extrait d'une entrevue avec Antoine Spire, Le Monde de l'éducation, Mai 2001.
2) Le Grand Livre de la Tendresse, Hugues Reynes, Albin Michel, 2002.
3) Il s'agit du « Locked-in syndrom » ou « LIS » ou encore « Syndrome d'enfermement ».
4) Le Scaphandre et le Papillon, Jean-Dominique Bauby, Éditions Robert Laffont, 1997. Un film en a été également tiré.